Nous étions quarante pour cette belle sortie au cÅ“ur d’Arles, en visite à l’Atelier de Jean Luc Rabanel. Oui, il vient de recevoir son premier macaron Michelin, mais nous ne le savions pas lors que nous l’avons contacté il y a deux mois, sur le conseil d’amis qui estimaient que c’était un rendez-vous à ne pas manquer. Et pourtant, malgré la notoriété actuelle du chef, nous avons réussi à trouver un dimanche disponible pour notre Convivium dans cette petite salle du vieux Arles.
Ce qui est remarquable chez Rabanel, c’est la conjugaison d’une cuisine très technique avec un profond respect pour les ingrédients, pour la plupart des légumes, tous issus du jardin du chef et cultivés par ses jardiniers ! Filière très courte diraient certains, intégration verticale diraient d’autres, démarche très Slow diraient encore d’autres, moi je dis amour du produit et cuisine de passion !
Nous vivons dans un monde facilement séduit par les artifices d’une cuisine subatomique pratiquée par des chefs qui cassent chaque particule élémentaire d’une carotte pour établir la primauté de l’homme et de la machine sur la nature, pour choquer les papilles des bourgeois. Rabanel connait ces machines, mais il les utilise, lui, de manière bien plus subtile et intelligente, il les met au service de son art. Pas question ici de présenter à son public des formules préméditées ; ici on prend le meilleur de ce que la saison nous offre, et tous les jours, selon le contenu du panier, Jean Luc compose une étude en 20 mouvements pour piano de cuisson et autres aciers inoxydables. Au lieu d’écraser l’ingrédient, ici le panais et l’artichaut restent présents dans l’assiette et en bouche, rehaussés par des transformations géniales, renforcés par des contrastes qui visent à maximiser l’émotion de chaque plat.
Une quinzaine de petits plats que nous pourrions dénommer « tapas » nous présentent un spectre très vaste de sensations, presque entièrement autour du végétal, avec un acte de présence du monde marin (thon, saumon). Mousses et émulsions font partie du concert, mais dans une polyphonie de textures et de goûts bien plus intéressante que chez les « moléculaires », qui ont tendance, eux, à jouer sur une seule corde. Le jeu d’équilibres gustatifs est passionnant, on découvre les contrastes entre sel, acide, sucre et amertume, et tout cela autour de beaux légumes craquants.
Une délicieuse pintade cuite en croute de sel signale un changement de dynamique et joue un rôle plus de ponctuation que de plat principal, une frontière entre les 15 tapas et les 5 desserts qui suivront.
Ne parlons pas de passage du « salé » au « sucré », ce serait une vile simplification de la myriade d’interactions gustatives qui définissent toute cette suite merveilleuse de plats. Aussi pour les desserts donc, tous les goûts primaires travaillent ensemble autour du sucre, avec en plus des parfums complexes, et je croyais éprouver des subtiles sensations astringentes et même un léger picotement anesthésiant sagement dosé. Noix de coco, ananas, chocolat noir, réglisse, fleurs insolites, citronnelle. Et j’ai un souvenir très fort d’une fraise en tempura entourée d’une écume aérienne, presque immatérielle, avec un fond mystérieux d’un goût intense et complexe.
Le service est très aimable et précis. De partout dans cette petite salle on voit la cuisine et Jean Luc Rabanel qui travaille avec son équipe, qui met les touches finales à chaque petite assiette.
Merci à Etienne Desplats et à François Bruschet pour avoir recommandé Rabanel, à Bob Foster pour les photos, et à Sophie Rossignol pour la transcription de la partition, que je reproduis ci-dessous. Et surtout merci à Jean Luc Rabanel et à son équipe.
Tempura de scorsonère, sauce aigre-douce, sauce soja
Sablé à l’amande amère, oignons et tomates confits, sardines en filet, sorbet à l’amande sauvage, et vinaigre à l’huile de noix
No nem de thon, radis noir et céleri boule, asperges vertes et graines de tournesol, fleur de coriandre, citronnelle
Asperges blanches, émultion de légumes à la pistache, gelée de pomelos
Fleur de courgette soufflée aux petits légumes, coques de Beauduc, vinaigrette de tomate et pignons, huile de carthame, alvédo de citron
No yaourt de poivron jaune au gingembre, fouetté de mascarpone, feuilleté de blette aux graines de sésame, confettis de légumes
Jeune artichaut violet cuit en barigoule, bouillon de gingembre, émultion de gingembre et roquette
Minute de saumon sauvage, émultion de pomme de terre à l’huile de sésame grillé, feuille de moutarde chinoise et feuille de roquette
Pintade cuite en crôute de sel et romarin, jus de cuisson, cebette rôtie au réglisse, fèves fraiches, marjolaine, charlottes nouvelles
Patate douce en purée, sorbet coco, tuile brute coco
Tarte à l’orange destructurée, Streussel, crème de citron, feulle de mélisse, biscuit à la noisette, et crème d’orange
Moelleux au chocolat de Guanaja, poivre de Séchuan, vinaigrette sucrée aux agrumes, et tuile de grué
Lait glacé aux agrumes, thym, citron, basilic, et tuile au romarin
Beignet à la fraise, vinaigre de fraise, légumes confits: tomate et fenouil,… surprise à l’intérieur: fleur de séchuan!
Domaine de Valescure
Aymargue (Costières de Nîmes)
Chardonnay 2006 BIO
Domaine Montini
Côteaux du Tricastin
Cuvée Emotion 2004 ( 50% syrah, 50% grenache)
magnifiques ces plats!
C’est un chef a qui de je vais rendre visite dans peu de temos.
Salut Mike,
Voilà , je viens te “taguer” pour enfin savoir si tu es un agent de la CIA….
En attente de tes 7 vérités, je te souhaite une bonne journée
Manu