Trouver un bon restaurant « gastronomique » en région toulonnaise n’est pas évident, encore moins si on veut aussi boire du bon vin. Jugement sévère ?
Prenons une ville comparable, Avignon, cherchez sur le site Michelin, vous trouverez 16 macarons dans un rayon de 31km. Pour Toulon, il n’y en a pas, sauf un qui n’est approchable qu’en bateau… le magnifique Mas du Langoustier à Porquerolles.
Bien sur, le guide Michelin n’est pas suffisant pour tirer des conclusions, mais il indique le malaise, il y a un manque de créativité chronique à Toulon, et les amateurs du bon manger et boire se sont habitués à une offre de seconde catégorie, ou du moins à une cuisine timide, aggravée souvent par des cartes des vins sans intérêt, et ceci dans le paradis terr(oir)estre du mourvèdre et du grenache !
Où manger ?
Avec des amis comme Emmanuelle et Laurent, ou encore Georges et Cathy, dans leurs salles à manger perchées sur les hauteurs de la ville navale, nous pouvons compter sur des amateurs éclairés qui rivalisent avec les étoilés, leurs préparations culinaires agrémentées par des accords vineux sublimes et étonnants. Mais pour ceux qui cherchent un espace publique, la recherche est ardue et frustrante, on mange et on boit mieux en restant à la maison !
Le Verger des Kouros
Une seule adresse sort du lot, le Verger des Kouros, à Cuers, à 16km de Toulon. Pas de macaron, mais voilà un restaurant fiable qui présente une cuisine actuelle et des plats qui sont toujours réussis ; un menu limité mais qui change toutes les semaines, et même plus souvent en été, ici règnent la convivialité et le savoir faire, aucun restaurant de la région arrive a ce niveau. Il s’agit d’une valeur incomparable, considérant la qualité superbe, le service aimable et efficace. Dans le menu unique du midi, à 15€ ( ! ), on retrouve, sans compromis, la même générosité, la fraîcheur et la beauté visuelle des plats du menu du soir à 30€. Seuls bémols : la proximité de l’autoroute, mais même en terrasse la beauté des plats fait oublier le bruit ; et une carte des vins avec pas mal de références mais qui reste assez banale, dommage, avec de si beaux plats, on a envie d’essayer des accords plus intéressants.
Le Pointilliste
Nos amis du Blog des Dupéré-Barrera ont découvert une nouvelle adresse en plein centre-ville, je vous conseille de lire l’article et les commentaires, et admirer les photos… Ce midi nous avons suivi leur conseil, confirmé par les commentaires de Cathy et Georges.
Le Pointilliste se veut résolument contemporain, la salle est plutôt minimaliste et la cuisine post-moderne, on peut choisir le menu du jour à 15€ le midi, mais le menu gastronomique à 28€ est aussi proposé, ainsi qu’une carte très inspirée mais dont je remarque immédiatement les prix complètement Dada, les plats principaux dépassant allègrement les 30€…
En revanche la liste des vins est minimaliste et incohérente avec le niveau d’ambition des mets proposés, mal adaptée au style des plats proposés ; l’idée des vins au verre est excellente, mais ils sont tous servi de demi-bouteilles, il vaudrait mieux penser à des bouteilles de 75cl et investir dans une petite bombe d’azote pour la conservation.
Le chef a énormément de talent, l’amuse-bouche est une ouverture parfaite avec une délicate brandade de morue excellente et un verre de lentilles en parfait accord ; on devine ce que pourrait devenir ce restaurant une fois sorti de la période de rodage. Le coté visuel est très réussi sur tous les plats, le goût est agrémenté par un effort considérable de design architectural dans l’assiette. Le plat du jour, dos de daurade sur un lit de cocos, est parfaitement cuit, avec une présentation moins travaillée visuellement, dommage. Mon risotto de champignons en mille feuilles croustillant de Parmigiano-Reggiano est beau a voir, mais le plat a du traîner longtemps avant d’être servi, le croustillant ne croustille plus, le risotto est un peu trop cuit mais très savoureux, je soupçonne un ajout discret de crème fraîche qui est à mon avis à proscrire. Le service, gentil, manque d’efficacité, une seule personne tient à peine la salle entière, ce qui oblige le personnel de cuisine à intervenir ; manque de confiance, projet faiblement capitalisé, ou simplement serveurs en arrêt de maladie ? Mes médaillons de porc servis sur un lit de choux rouge confit sont superbement composés, le plaisir des yeux est là , mais encore une fois en raison de la lenteur du service la viande n’est plus chaude et un brin trop cuite ; les lentilles sont délicieuse, hélas servies sous une cône de phyllo beau à voir, mais son croustillant s’est complètement effondré sous les vapeurs des lentilles chaudes, ce sont des plats à servir avec précision à la seconde près, et celui-ci a du se reposer 4-5 minutes avant de m’être livré. Dommage de voir les tableaux de ce génial Pointilliste exposés dans des telles conditions.
Ce Seurat un plaisir de retourner, souvent, chez le Pointilliste une fois que le talent évident de cet artiste sera agrémenté d’une salle au service efficace, de prix plus modérés pour la carte, et d’une liste de vins adaptée aux goûts et au niveau de qualité potentielle des plats que nous avons goûté ce midi.