La Provence est une région de tradition viticole très ancienne, datant du temps de la Grèce classique. Les conditions climatiques y sont parfaites, les sols sont très variés, et il y a plusieurs cépages nobles : grenache, mais aussi syrah, carignan et mourvèdre. C’est la terre bénie des dieux pour faire du vin – par exemple ici à Bandol nous recevons 2900 heures de soleil par an et le mistral balaye les vignes d’un air sec et propre, on ne peut pas demander mieux que ces raisins naturellement mûrs et sains.
On pourrait imaginer donc que les vins de Provence soient parmi les meilleurs au monde. Nous savons que le mot “terroir” englobe le climat, les cépages et le sol d’un vin, mais sensu lato cette notion inclut obligatoirement le travail de l’homme, sans lequel il n’y a pas d’expression de terroir ; en Provence les vignerons qui persistent héroïquement à faire du vrai vin de terroir sont une minorité, ces artistes méritent toute notre attention. Afin de vous aider à trouver les bons vignerons de Provence, voici quelques conseils :
• oubliez les vieilles réputations et les grands noms connus, le monde du vin évolue trop vite.
• évitez les vins labellisés « cru classé », cela n’offre aucune garantie de qualité, bien au contraire.
• privilégiez les rouges (mais il y a quelques rosés et des rares blancs d’exception)
• notez qu’il y a peu de restaurants en Provence, même gastronomiques, qui ont une approche sérieuse vers le vin.
Dans la région historique et administrative Provence vous trouverez 19 appellations d’origine contrôlée. Paradoxalement, seulement 8 appellations (colonne de gauche ci-dessous) font partie de ce que l’on appelle officiellement la région vinicole Provence. Les 11 autres sont classées vins de la Vallée du Rhône, y compris Châteauneuf-du-Pape, la grande appellation de prestige qui produit les meilleurs vins en Provence ! Ainsi, dans cet article, je vais me tenir à la délimitation historique de la région, et non pas au découpage absurde dicté par le monde viticole.
Appellations d’Origine Contrôlée en Provence | |
Provence viticole • Bandol • Bellet • Cassis • Coteaux d’Aix-en-Provence • Coteaux varois en Provence • Côtes de Provence • Les Baux-de-Provence • Palette |
Provence historique • Beaumes-de-Venise • Châteauneuf-du-pape • Coteaux de Pierrevert • Côtes du Luberon • Côtes du Rhône • Côtes du Rhône Villages • Côtes du Ventoux • Gigondas • Muscat de Beaumes-de-Venise • Rasteau • Vacqueyras |
Les vins qui révèlent le vrai potentiel de la Provence sont les rouges de qualité. Excellents dans leur jeunesse, ils ont un potentiel de vieillissement sur 10 ans et bien plus. Une liste complète n’est pas l’objet de cet article, mais je vous laisse quelques noms fiables : à Bandol les domaines Tempier, Tour du Bon, Terrebrune, Suffrène, Lafran Veyrolles, en Provence les domaines Hauvette, Richeaume, Clos de la Procure, Font du Broc, Gourt de Mautens, et bien sur à Châteauneuf-du-Pape les superbes domaines Beaucastel, Rayas, Villeneuve, Marcoux, Vieux Télégraphe, Clos du Mont Olivet, Pierre Usseglio, et La Janasse (pour ses blancs).
La Provence produit surtout des vins rosés (75% du total), elle est aussi le plus grand producteur de rosé au monde (8%), avec un chiffre d’affaires d’un demi-milliard d’euro. Un rosé peut difficilement prétendre d’être un grand vin, mais en Provence on trouve quelques rosés très intéressants qui ont une belle structure, surtout à Bandol, chez « les 3 T » (Terrebrune, Tempier et Tour du Bon). Certains de ces rosés seront aptes à un vieillissement en cave, avec des résultats surprenants. Tavel est aussi une excellente appellation de rosés de qualité, c’est presque la Provence, essayez l’excellente coopérative des Vignerons d’Estezargues (sans soufre), et le domaine de la Mordorée. Les bons rosés de Provence peuvent accompagner des mets qui présentent des problèmes pour les vins rouges ou blancs : salades d’épinards, anchois, artichauts, olives, tapenades, omelettes, sardines grillées, ratatouille, tomates, oignons, poissons de roche et brandades ne présentent aucun problème pour un vrai vin rosé.
Parallèlement à cette production de qualité tournée vers l’extraction de terroir, le plus grande partie de la production de vin en Provence est caractérisée par une approche Å“nologique lourde et terroiricide. Ceci est vrai non seulement pour les vins de bas de gamme, mais aussi pour une multitude de vins AOC issus de domaines qui, grâce à un marketing habile et à une distribution efficace, jouissent d’une bonne réputation, et même d’une certaine renommée, souvent couronnée du pseudo-label « cru classé » : il n’est pas rare que ces vins, très présents sur les cartes des restaurants, soient décevants en dégustation, surtout à l’aveugle ou loin de leur contexte de soleil provençal (voir aussi le syndrome du rosé de Provence sur le blog Fureur des Vivres). On se demande comment on arrive à produire des rosés dilués ou des rouges sans intérêt dans une région méridionale ensoleillée et ventilée du débourrement aux vendanges. Quelques explications possibles : rendements excessifs, vendanges précoces, tendance à « faire le vin en cave » avec une multitude de traitements et corrections Å“nologiques. Surtout pour les rosés, ces producteurs corrigent le manque d’équilibre, la mollesse de leurs vins, par l’ajout d’acide tartrique
Le bilan pour les vins de Provence n’est pas entièrement satisfaisant. Mis à part quelques excellents vignerons, de nombreux vins inertes et sans âme se vendent sous l’enseigne AOC. 18 domaines ont le droit exclusif et irrévocable d’utiliser le label trompeur « Cru Classé », obtenu par arrêté ministériel en 1955, bien que ce dispositif ne prévoit aucune vérification de la qualité des vins, aucun agrément annuel, et aucune possibilité pour d’autres domaines d’en bénéficier. Nous avons évoqué l’extrême fragmentation de la profession, avec bien 11 des 19 appellations provençales officiellement exclues de la région viticole Provence, y compris la meilleure, celle qui bénéficie d’une renommée mondiale ! Des 8 restantes, seulement 3 font partie de l’interprofession des vins de Provence, chargée de promouvoir les vins de Provence et de développer l’export. Son site web contient des sérieuses lacunes techniques (ainsi la recherche « provence wine » sur google.com ne permet pas de trouver ce site !) et les textes en anglais sont très mauvais. Il n’est pas étonnant donc que seulement 10% de la plus grande production de rosé au monde trouve des marchés à l’export.
La Provence a un potentiel immense, mis en valeur uniquement par quelques vignerons phare ; avec des terroirs de rêve, on est loin du dynamisme et du professionnalisme du Languedoc ou du Rhône voisin. Espérons que la Provence, cette région de beauté sublime où je vis depuis 20 ans, aura le courage de résoudre les problèmes qu’elle s’inflige dans la viticulture et que les domaines de qualité sauront mener une révolution du terroir provençal.
Bonjour
La période qui démarre est intéressante pour les vins rosés.
En effet, les cahiers des charges des appellations provençales viennent d’être réécris pour la réforme en cours.
Selon que l’on est ou non optimiste, on peut dire qu’ils sont copiés-collé sur les décrets précédents, il faudra donc attendre pour voir apparaître les références au sol et au climat qui devraient être les indicateurs du fameux lien au terroir qui caractérise les AOC.
En effet dans la vinification des vins rosés, bien des opérations éloignent du terroir, du débourbage qui appauvrit les jus en matière colorante, au levurage qui peut importer des arômes qui n’y étaient pas au départ.
Bien sur cette remarque est valable pour les vins blancs, et pas seulement de Provence.
Il faudra partir d’une page blanche lors d’un éventuel passage en AOP ( appellation d’origine protégée européenne ) pour définir enfin les conditions de l’expression du terroir dans cette couleur.
La plupart des vins rosés produits en Provence sont à la frontière entre AOP et IGP ( indication géographique protégée ) des IGP bien fait, mais IGP tout de même.
Pour moi les IGP sont des vins qui sont plus fait à la cave qu’à la vigne, quand les techniques de vinification prennent le dessus sur la matière première. Il n’est pas honteux de faire de beaux IGP, simplement le consommateur doit pouvoir faire la différence entre un vin qui conserve un lien fort avec son origine ce qui suppose des contraintes de production fortes, et un autre qui est né dans un environnement moins sévère qui lui permet de lutter avec des vins de marque étrangers .
Il serait tout à fait possible pour des Domaines de voir une partie de leur production en IGP et l’autre en AOP.
En attendant il reste tout de même des vignerons qui font de belles choses, il faut pratiquer les caveaux, les bons cavistes, et…gouter.
un blog tres interressant,merci